SurFacingTime
(english follows)
Mouvement de l’Échange : Dialogue avec le Temps
Un tableau abstrait est une œuvre d’art qui a été conçue comme telle, que l’artiste crée de toute pièce à partir de matières premières et dans laquelle il trouve une représentation qui lui plait et qui ne fait pas référence au monde extérieur. Au contraire, les matériaux représentés dans mes photographies gardent fondamentalement un rapport au monde extérieur. Mais n’étant pas organisés à l’origine comme une œuvre, ils ne le deviennent que par la réappropriation de ceux ci par le photographe qui les donne ensuite à voir comme des œuvres. Les compositions de formes pourront alors tout aussi bien être interprétées que dans le cas d’un tableau abstrait. L’être humain pourra y voir autre chose que la matière elle-même. Il pourra lui attribuer un sens, le relier à son imaginaire et à son expérience.
Au delà de son aspect concret, chaque image permet également d’apprécier la beauté intrinsèque de ces œuvres naturelles issues d’une matière première de fabrication humaine : des murs dégradés. Elles sont donc crées par un processus à l’opposé de la démarche classique de l’artiste, en cela qu’elles sont préexistantes au regard artistique du photographe, dans leur forme brute, potentiellement perçues comme non-artistiques. Pourtant je les ai prises avec mon appareil photographique, réappropriant à l’humain sous forme artistique une œuvre naturelle qui l’a touché comme la beauté de la nature l’a touché, mais qui permet dans ce cas un dialogue avec la nature, un mouvement d’allers-retours communicatifs : de la matière brute est travaillée pour en faire un produit secondaire à but utilitaire – un mur -, qui va être dégradé par le temps, embelli d’une singulière hétérogénéité, puis réapproprié une seconde fois, grâce à l’art. Sa reproduction sera enfin imprimée sur du papier. Il va finir par se dégrader, et cela sera sûrement beau.
Un mouvement d’échange se produit donc avec la nature. Mais il crée également un lien entre les Humains à travers l’espace et le temps. Ce ne sont en effet pas les mêmes individus, et pas aux mêmes endroits, qui extraient les matières premières, ceux qui les transforment, ceux qui les mettent en place, ceux qui les utilisent, celui qui opère la réappropriation, et enfin ceux qui regardent les photographies et qui, bien que paraissant au bout d’une longue chaine dont les maillons se rajoutent au fur et à mesure, laisseront eux aussi place au futur.
À propos de la réalisation :
J’ai réalisé ce projet photographique au cours des différents voyages, proches et lointains, que j’ai faits ces deux dernières années. J’ai tout d’abord été attiré par la matière elle-même, par la manière dont elle se dégradait pour créer des textures complexes. Au début je voulais tout simplement les immortaliser. Pourtant je me suis assez rapidement aperçu que les immortaliser n’avait aucun sens, que toute leur existence tendait au contraire à révéler un mouvement, un évolution, et que c’est finalement ce qu’il fallait mettre en avant. J’ai donc travaillé à la fois sur la réappropriation, par le choix des matériaux, leur cadrages et les parties floues, qui permettent de montrer qu’il ne s’agit pas que de copier les textures mais bien de les photographier, de les esthétiser également par une nouvelle transformation. J’ai ensuite travaillé à faire ressortir la multitudes des détails, qui s’opposent à l’homogénéité plate du matériau originel, dans le but d’imprimer des photos grand format. Au contraire d’une reproduction à l’échelle 1:1, l’agrandissement permet d’ajouter encore un autre niveau d’éloignement avec le matériau originel, un niveau supplémentaire de transformation de la perception.
La diversité géographique des lieux où ont été pris les clichés et où ils seront présentés au public est importante car elle permet de rendre compte d’une globalisation de l’échange, et non pas d’un simple dialogue local.
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Movement of the Exchange: Dialogue with Time.
An abstract painting is a work of art that has been designed as such. Using raw materials the artist creates a work in which there is a representation that he likes, without any reference in the outside world. The materials represented in my photographs are not organized originally as works of art. They become so only by their reappropriation by the photographer who gives them life as a work. They include compositions and shapes that may just as easily be interpreted as one would an abstract painting. Human beings will be able to see anything but the material itself, they can assign a meaning, connecting it to their imagination and experience.
Beyond its concrete aspect, each image can also be the occasion to appreciate the intrinsic beauty originating from a raw material of human manufacture: degraded walls. They are created through a process opposite to the conventional approach of the artist, as they were preexisting the artist’s gaze, in their raw form potentially perceived as unartistic. Yet I’ve taken this images with my camera, reclaiming the human form of art a work of nature that touched me like beauty of nature touched me. But in this case it allows a dialogue with nature, a communicative back and forth movement: raw material is worked into a side product with utilitarian purpose – a wall -, which will be degraded by time, and embellished of heterogeneity, then reapropriated a second time through art. Its reproduction is finally printed on paper. It will eventually degrade, and then will surely be beautiful.
A reciprocating motion thus occurs with nature, but it also creates a link between Humans Beings through space and time. These are indeed not the same individuals, or the same places where the raw materials are extracted, nor those who turn them, those who put them in place, those who use them, those who operate the reappropriation, or finally those who view the photographs which, although appearing at the end of a long chain whose links are added as and when, will also make room for the future.
About the production:
I realized this photographic project during the various trips, near and far, I have made these past two years. I first was attracted by the material itself, by the way it deteriorated to create complex textures. At first I just wanted to immortalize them. Yet I quickly realized that the capture did not make sense, that their whole existence, tends to be a movement, an evolution, and that ultimately was what was put forward. So I worked on both the recovery, by material selection, their framing and the blurs, that demonstrate that it is not to copy the textures though the the photograph, but to also aestheticize by another transformation. I then worked to bring out the multitudes of details, which are opposed to the flat uniformity of the original material in order to print large photos. Instead of a 1:1 scale replica, the expansion adds yet another level of distance with the original material, an additional level of processing of perception.
The geographical diversity of the places where the photographs were taken and where they will be presented to the public is important because it can account for a globalization of trade, and not just a local dialogue.