6 431 : L’Argentine face à la traite d’êtres humains
6 431 : Cette statistique, selon le Bureau Argentin pour le Sauvetage et l’Accompagnement des Victimes de la Traite, représente le nombre de personnes que cette agence gouvernementale créée il y a six ans a «sauvé» en date du 31 Avril, 2014. Le nombre est mis à jour périodiquement, accompagné d’une déclaration soulignant l’action du gouvernement pour lutter contre ce phénomène qui touche particulièrement les jeunes femmes.
Considéré comme l’esclavage du XXIè siècle par la société civile argentine, la traite d’êtres humains n’est pourtant pas nouvelle pour le pays : l’Argentine a été en réalité l’un des premiers pays à adopter une loi contre elle au début du XXè siècle. Pourtant le gouvernement argentin n’avait jusqu’à récemment porté que très peu d’attention à ce phénomène, possiblement parce que les profits de cette industrie sont souvent retombés dans les poches de la police et des élites argentines influentes. Mais, lorsque Marita Veron a disparu en 2002 à l’âge de 22 ans, sa mère a commencé ce qui est devenu une recherche longue de dix ans pour sa fille. Bien que Marita soit toujours portée disparue à ce jour, la ténacité de sa mère a forcé le gouvernement argentin à prendre position sur le problème de la traite d’êtres humains en attirant l’attention des médias nationaux sur la question.
En plus de politiques de durcissement des sanctions pénales pour les personnes impliquées dans ce trafic, de nombreuses organisations ont alors commencé à se mobiliser dans la lutte contre elle. Ensemble, dans tout le pays, ils organisent de nombreuses réunions de prévention et des campagnes de sensibilisation sur le patriarcat profondément enracinée de la société argentine et la façon dont il conduit à l’exploitation des femmes. Le gouvernement a aussi agit au niveau législatif en faisant de la traite des êtres humains une infraction pénale, et en créant une agence dédiée à la recherche et au secours des victimes potentielles.
Toutefois, en raison de l’insuffisance de la planification et de la coordination de l’agence avec les ONG travaillant également sur la question, de nombreuses victimes se retrouvent seules peu après avoir été «sauvées» par l’agence. Avec très peu d’alternatives et peu ou pas de soutien, d’anciennes victimes peuvent rapidement retomber dans le réseau de trafiquants dont elles viennent juste de sortir.
Malgré ces tentatives d’éliminer la traite, des milliers de personnes sont chaque année toujours contraintes de travailler dans des conditions extrêmement difficiles ou dans la prostitution à travers l’Amérique du Sud, traumatisant aussi les familles que les victimes de la traite laissent derrière eux. Mais le phénomène n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît: les trafiquants peuvent parfois être des voisins ou des proches de ceux qui sont exploités, ou des personnes du même milieu social qui mettent en œuvre des moyens désespérés pour se sortir de la pauvreté. En outre, de nombreux cas montrent que les victimes sont tombée dans les réseaux de traites alors qu’elles étaient à la recherche d’un moyen de sortir d’une situation familiale violente ou d’améliorer leurs conditions de vie, les rendant plus susceptibles de prendre le risque d’accepter toute offre qui semble pouvoir les aider à aller dans cette direction. Les conditions d’exploitation des victimes de la traite peuvent être de simplement difficiles jusqu’au quasi-esclavage, dans un contexte où il existe tous les degrés de mensonges, abus et exploitation.
En Argentine, les jeunes qui grandissent dans les banlieues des grandes villes, où la pauvreté et le chômage sévissent, sont particulièrement à risque de tomber dans des réseaux criminels, attirés dans par l’espoir d’une vie meilleure. Ainsi, la traite d’êtres humains reflète surtout la réalité d’un système corrompu qui permet aux inégalités sociales de perdurer, montrant que cela n’est pas le résultat de l’existence de criminels individuels isolés. Des changements rapides ont été réalisés en Argentine, mais il est encore difficile de dire si l’impunité qui était la règle depuis plus d’un siècle peut être surmontée, les condamnations pénales de trafiquants restent rares et le changement social difficile.
Cette série de photos, prises entre Septembre 2013 et Février 2014, documente la forme actuelle de la lutte contre la traite d’êtres humains et la recherche continue de parents pour retrouver leurs enfants disparus.